09/06/1917 L'Ouest-Eclair (Nantes)
- Alex.F
- 9 juin 1917
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Une source de richesses pour l'Ouest
La production totale du minerai de fer en France, qui a atteint 21.714.000 tonnes avant la guerre, comprenait tonnes en provenance de Meurthe-et-Moselle, 1.112.000 tonnes provenant de l'Ouest, c'est-à-dire des bassins de l'Anjou, de la Bretagne et de la Normandie. 300.000 tonnes des Pyrénées et tonnes de provenances diverses. Nos mines de l'Ouest viennent donc au deuxième rang dans la production nationale du fer, en donnant des minerais assez différents les uns des autres, suivant leurs lieux d'extraction. Trois types principaux de minerais ont été découverts dans le bassin qui nous occupe 1° Un minerai magnétique très développé à l'Est (Anjou) 2° Un minerai hématite (fer oligiste) très dominant à l'Ouest, dans la Loire-Inférieure et l'Ille-et-Vilaine 3° Un minerai carbonaté, qui parait exceptionnel, mais que l'on peut trouver aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest.
Interrogeons M. le professeur Cayeux sur la composition de ces minerais. Le maitre fait les remarques intéressantes que voici 1° Leurs éléments essentiels magnétite et oligiste sont justement les deux types les plus riches en fer que l'on connaisse, le premier renfermant 71,68 de fer et le second 7n °'
2° Les minerais de fer de la Basse-Bretagne et de l'Anjou sont généralement moins alumineux que ceux de Normandie, propriété qui équivaut à un enrichissement en fer, puisque l'alumine se comporte comme la silice dans le traitement des minerais
3° La teneur en silice est non moins variable qu'en Normandie, et ici comme là il y a tous les passages entre les minerais proprement dits et les grès minéralisés dépourvus d'intérêt.
Si la quantité de silice peut s'élever au point de rendre les couches inexploitables, en revanche, elle peut diminuer et devenir très faible. Il en résulte la formation par places de minerais* très riches, de qualité égale et même supérieure à celle du meilleur minerai de Normandie. Tel minerai de la région de Teillay renferme 57,32 de fer et 5 de silice tel autre de la même contrée accuse 61,50 de fer et seulement 2,10 de silice. Et pareilles teneurs, loin d'être celles d'échantillons soigneusement triés, sont celles du minerai tout-venant, suivi sur plusieurs kilomètres de longueur.
Ailleurs encore, un minerai carbonaté recoupé à 165 mètres de profondeur (sondage de Limèle) contient après grillage 55,60 de fer et 14,6 de silice. Un autre minerai rencontré à 170 mètres de profondeur renferme 56 de fer et 10 de silice. Enfin, la teneur de 65 de fer a été constatée exceptionnellement dans ce même bassin.
Pour se faire une idée de l'intérêt relatif qui s'attache à ce minerai, il suffit de les comparer d'une part au plus beau minerai de Normandie, celui de Saint-Rémy, et d'autre part à un type moyen de minerai siliceux, comme celui de Soumont (Calvados). Le premier contient 52,53 de fer, et 6 de silice et le second, après grillage, 47,51 de fer et 20,24 p de silice.
« En présence de pareilles données, auxquelles j'en pourrais ajouter d'autres non moins concluantes, dit M. Cayeux, un fait me parait acquis de façon certaine le bassin sud-armoricain renferme par endroits des minerais à très haute teneur en fer, beaucoup plus riche que le minerai normand ordinaire, et même de qualité supérieure à celui de Saint-Rémy, lequel est unique en Normandie et sur le point d'être épuisé.
Comparés à ceux de Lorraine, les meilleurs de ces minerais, bien que peu ou point calcarifères, gardent encore un certain avantage. Examinons l'allure des gites. En règle générale, le, synclinaux de la région sont plus resserrés que ceux de Normandie, et partant les couches sont plus redressées que dans les bassins normands. En moyenne, les fortes pentes prédominent; il arrive même que le minerai soit vertical. De curieuses exceptions ont été reconnues comme dans les environs de Teillay, où le régime des plateures prévaut sur une grande étendue. Une pareille allure se prête admirablement à la reconnaissance des gites au moyen de sondages. Les dislocations de toutes sortes ne manquent pas, et c'est la une des causes de l'irrégularité des couches. Celles-ci sont brisées, rejetées, amincies ou supprimées. Mais autant que les explorations ont permis de s'en assurer ce régime est celui de tous les minerais siluriens de l'Armorique, Normandie comprisse.
Quelle est la conclusion de M. Cayeux? La voici :
" Dans ce rapide coup d'œil sur le bassin de l'Anjou et de la Basse-Bretagne, nous avons surtout considéré celui-ci dans ses points singuliers, négligeant de propos délibéré le type 'moyen de la formation ferrugineuse. J'estime, en effet, que ce bassin n'a d'intérêt immédiat que par ses exceptions. et que c'est par elles, en bonne logique, que la mise en valeur doit commencer.
Des différentes régions qui se sont révélées particulièrement intéressantes, la plus importante de toutes, par son étendue, par la constance des caractères de fa formation ferrugineuse, embrasse plusieurs périmètres à l'ouest de Châteaubriant (Teillay, Sion, Saint-Sulpice des landes, etc.). l'. y a là, semble t'il une forte réserve de beau minerai. Ne pas faire appel cette réserve l'heure on notre production sidérurgique rst grandement déficitaire est inconcevable.
Loin de moi la pensée que ledit bassin ne vaut que par ses exceptions. Certes, les
prévisions très optimistes du début ont été déjouées. Trop souvent, on a vu un bon minerai passer en direction à un minerai inexploitable, par accroissement rapide de la teneur en silice. De même, on a observé la silicification d'un minerai qui, bon à la surface, cesse d'être exploitable à une faible profondeur. Enfin, il est non moins certain que des couches se ramifient et cessent d'être exploitables sur toute leur épaisseur. Ces changements ont impressionné les prospecteurs. De H l'idée absolument erronée, à mon sens, que le Bassin est, à peu de chose près, dénué d'intérêt. Dans l'ignorance où l'on est généralement du mode de formation des minerais de fer sédimentaire, on a complètement perdu de vue ce qui me parait être une vérité indiscutable si des minerais riches s'appauvrissent en profondeur, en revanche des minerais pauvres à la surface peuvent s'enrichir en profondeur. Il y a même toutes les probabilités pour que les deux phénomènes aient sensiblement les mêmes chances de se produire.
Bref, je tiens pour non fondée l'opinion trop répandue qu'une place insignifiante est à réserver à ce bassin dans l'inventaire de nos gisements exploitables. Tout compte fait, il recèle des milliards de tonnes de minerai bon 'et mauvais, et ceux qui l'ont scruté, comme il convient, affirment avec moi que son tonnage est certainement supérieur à celui de Briey. Malheureusement, le départ du minerai de bonne qualité reste à faire. C'est là une des nombreuses tâches qui s'imposeront immédiatement après la guerre. Sans pouvoir préjuger de tous les résultats du complément d'enquête nécessaire, j'ai la conviction profonde que le coefficient d'exploitabilité de la formation ferrugineuse est beaucoup plus élevée qu'on ne l'admet, et, pour tout dire, que le bassin sud-armoricain est appi'lé à prendre le premier rang dans l'ensemble de la production de l'Ouest, sinon par la quantité, du moins par la qualité de son minerai.
Il est à peine besoin de faire ressortir l'importance que présente un pareil bassin, situé aux portes de Nantes. S'il est vrai qu'une partie, même faible, peut être livrée à l'exploitation, dans l'état présent de l'industrie sidérurgique, il est à prévoir que les minerais dédaignés aujourd'hui seront appréciés plus tard. Pendant de longues années, je devrais dire pendant des siècles, l'industrie régionale y trouvera l'aliment nécessaire à son développement, tandis que le minerai non consommé sur place dans le pays sera pour le port de Nantes un nouvel élément de trafic. »
Mais, pour atteindre ce résultat, qui intéresse la région entière et la France elle-même, il faut que notre politique minière seconde les initiatives et ne les paralyse plus. Le bassin sud-armoricain peut devenir pour l'Ouest une source de prospérité considérable pendant un nombre incalculable d'années. Mais il faut mener l'exploitation avec méthode et sagesse. A cause de la nature des gîtes, il faut les exploiter lentement, graduellement, après des prospections complémentaires minutieuses, et ne jamais oublier que les conditions de gisement et, par conséquent, les conditions économiques, sont tout autres qu'en Lorraine. A ces conditions, il n'y aura pas de mécomptes graves à redouter. Et ce qui est vrai pour le bassin de l'Anjou et de la Basse-Bretagne ne l'est pas moins pour le bassin normand.
Nous aurons maintenant à entrer dans quelques détails techniques au sujet du traitement métallurgique des minerais de l'Ouest.
OCTAVE AUBERT.
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