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  • Photo du rédacteurAlex.F

20/02/1916 L'Ouest-Eclair (Nantes)

Dernière mise à jour : 7 févr. 2018


La Campagne du 41e régiment d'infanterie (du 2 août 1914 au ...)

Il n'est pas une famille qui ne suive, par la pensée, la marche d'un régiment au front. Chacun de nous a, dans quelque coin du vaste champ de bataille, un être cher, père, fils, frère, ami, dont il voudrait connaître la vie dans les moindres détails. Or, la vie d'un soldat se confond, à l'heure actuelle, avec celle de son régiment. Aussi l'Ouest-Eclair est-il heureux de pouvoir annoncer à ses lecteurs que, le dimanche 27 lévrier, il commencera la publication de La campagne du 41e régiment d'infanterie, du 2 août 1914( au... par le Dr V.

Tous ceux qui s'intéressent au 41°, ou aux et corps d'armée car de nombreux souvenirs communs à ces deux corps sont évoqués dans le travail du Dr V. liront, avec émotion. ces pages écrites, au jour le jour, sur les lieux mêmes où ont vécu, où ont souffert parfois, où ont espéré toujours, où se sont battus, où quelques-uns, hélas sont morts, les braves dont elles relatent les exploits.

"La Campagne du 41e" retiendra également l'attention à un autre titre. Par les photographies (vues, scènes, portraits) et par les cartes, jointes au texte et que nous publierons en suivant la marche des événements, cette œuvre constituera une source précieuse de documentation.

Dès aujourd'hui, nous en donnons la préface et les « Avant-Chapitres que nous continuerons jeudi prochain, pour commencer, le 27 février, la publication du Premier Chapitre ou mieux de la première étape de la campagne du 41e d'infanterie


PREFACE

Ce carnet de route rédigé en suivant le service médical du 41° régiment d'infanterie n'a nullement la prétention d'être une histoire de la guerre. C'est simplement la relation aussi exacte et complète que possible de nos impressions de campagne. Tenu au jour le jour, il permettra de suivre, pas à pas, notre randonnée formidable et de pénétrer un peu dans cette vie si variée que nous avons menée à la guerre. A côté des événements essentiels auxquels nous avons assisté, nous notons tout ce que nous avons remarqué d'intéressant sur notre passage, soit pendant la retraite de Belgique, soit dans la victoire dont nous avons connu la griserie à la bataille de la Marne. Cette relation n'étant pas une œuvre historique présente certainement des lacunes, des erreurs de jugement ou de faits qui sont la conséquence de sa sincérité. Nous avons simplement voulu conserver le souvenir impérissable de cette guerre uà il nous a été donné de voir des événements, des spectacles que notre imagination se.serait refusé admettre. Et surtout nous avons voulu conserver le souvenir de tous les braves du 41», de tous les braves de toute l'armée dont il nous a été donné de constater directe- ment la valeur.

A Vouziers, le 7 août 1914.

G. V.

Chapitre PREMIER

LA MOBILISATION

La guerre m' a surpris pendant ma première année de service militaire que j'accomplissais au 41· régiment d'infanterie de Rennes.

Au 1er juillet, à la suite d'un séjour de 15 jours à l'infirmerie, j'obtenais un congé de 30 jours de convalescence. Me voilà immédiatement parti pour la campagne où toute la famille était réunie à l'exception de mon frère Raymond qui terminait son séjour à Londres.

Le temps s'écoulait rapidement dans le calme et la tranquillité de la campagne, l'été s'annonçant d'une douceur toute particulière. Ce n'étaient que parties de pêche dans l'étang poissonneux dont les eaux profondes dormaient non loin du joli château voisin.

Comme un rêve s'envolèrent les longues promenades en famille autour de l'étang aux bords ombragés, les longues courses à travers la campagne pour assister à la manœuvre du dont les batailles pour rire réveillaient les échos de Saint-Germain et de Saint-Médard les interminables parties de croquet réunissant toute la famille. Nous vivions tous dans la tranquillité la plus grande il. peine lisait-on les journaux. Les carpes de l'étang nous intéressaient" bien plus que les discussions de l'Autriche avec la Serbie. Une chose cependant donnait l'éveil les quelques rares journaux que nous lisions témoignaient d'une réserve non coutumière. On sentait un mot d'ordre venant de haut pour un esprit avisé cette réserve aurait dû avoir sa signification si l'on modérait la presse, c'est que l'heure était grave.

Mais la guerre était-elle possible ? On savait bien que les esprits chagrins nous en rabattaient les oreilles depuis dix ans sans que jamais on la vit : ça se passerait comme les autres fois les diplomates auraient une fois de plus le plaisir de discute, mai? la paix était assurée. Qui donc voulait la guerre ? Guillaume II Tout juste s'il ne s'intitulait pas le prince de la paix! France, Angleterre et Russie ne parlaient que de concorde. Pourquoi ce nuage aussi imprévu que soudain quelqu'un voudrait-il par hasard déchaîner l'orage ? Mais baste Occupons-nous de rendre notre séjour ici aussi agréable que possible. Peut-on songer à s'entretuer quand la campagne est si belle, quand les blés dorés qui frissonnent sous la brise attendent encore d'être recueillis dans les vastes granges, lorsque le soleil brille d'un éclat si doux il travers les grands sapins et vient vous réveiller par ses caresses le matin dans votre lit ? Pourrait-il se faire que quelqu'un oblige des millions d'hommes il coucher dehors dans un fossé, sous la pluie parfois alors que toutes les douceurs de la vie nous sourient, serait-il possible que dans quelques jours on soit privé de sommeil, on boive parfois de l'eau

souillée pour apaiser la fièvre des marches et des combats, on mange souvent du pain moisi, et parfois on se serre la ceinture d'un cran en guise de dîner.

Non c'est impossible à peine notre esprit entrevoit-il tout cela.


Le mardi 21 juillet, en rentrant de Cancale à midi après une trotte de 75 kilomètres à vélo, je trouve un télégramme m'appelant à Sion (Loire-Inférieure1! pour remplacer le médecin de l'endroit. Pendant huit jours me voilà attaché à ma tache qui a pour moi l'attrait du nouveau. Tous les jours, je parcours le pays avec la petite auto monocylindre « Zèbre », visitant les malades des trois communes avoisinantes. En quelques jours, je conduis à peu près convenablement. Une rencontre avec une vache, l'écrasement de trois ou quatre poulets avait suffi pour me donner un coup de volant à peu près suffisant. Le pays est calme, en plein travail. Cependant déjà vers le lundi 27, les journaux deviennent plus inquiétants. Les affaires ne s'arrangent pas du tout entre les puissances l'Allemagne montre une mauvaise volonté manifeste. Un soldat permissionnaire qui venait de se fracturer l'avant-bras dans une chute de bicyclette est rappelé d'urgence à Versailles par télégramme. A la poste, les employés sont sur les dents. Tous les permissionnaires sont rappelés en hâte la journée du lundi se passe dans une attente fébrile. Le maire de Sion reçoit l'ordre d'exécuter toutes les mesures préparatoires de la mobilisation, inventaire de tous les attelages, des autos, etc.

Le mardi matin, à 6 heures, je reçois un télégramme envoyé par le colonel du 41° à Saint-Médard « Rentrez au corps sans délai Je venais de passer la nuit pour un accouchement impossible de partir immédiatement. A 4 heures de l'après-midi, je pars en auto pour Martigné-Ferchaud. La route est longue et très dure, un orage épouvantable nous assaille en route In pluie qui tombe à torrents rebondit sur ie capot Je la voiture, rejaillit sur la Place est très difficile de conduire dans ces conditions. Les dérapages sont fréquents, il faut d'énergiques coups de volant pour ramener la voiture sur le macadam. Nous arrivons cependant à destination. En attendant le train, nous entrons dans un café pour lire quelques journaux les nouvelles sont franchement mauvaises, le courrier de Paris est en retard, partout des mesures spéciales sont prises. Je remarque dans un coin de la gare plusieurs rames de wagons sur lesquels on monte les bancs mobiles pour le transport des troupes. Plusieurs voyageurs qui arrivent par le train de Vitré nous apportent quelques nouvelles de Paris où l'opinion publique est très calme, main envisage froidement toutes les éventualités. ici, à la campagne, tout le monde est tranquille il ne semble nullement que le Dire cataclysme plane sur la nation les paysans continuent leurs travaux si on leur demande ce qu'ils pensent de la guerre éventuelle, ils vous répondent flegmatiquement qu'ils sont prêts à partir et à faire tout leur devoir. Ce calme est remarquable. Le train de Rennes arrive enfin avec deux heures de retard pendant lesquelles nous nous morfondons sur le < ni. Je suis en retard de plus de 18 heures pour rentrer au corps et suis fort inquiet quant à la réception qu'on me réserve à la caserne. Le train, qui nous amène à Rennes à une allure d'escargot, trainé par une locomotive poussive, est bondé de permissionnaires rappelés par télégrammes. Enfin nous entrons en gare au pas de gymnastique, je cours la maison dont le portail est fermé à clef. Je suis obligé d'escalader la balustrade et de grimper dans la maison par une fenêtre du premier étage. En dix minutes, ma tenue civile est remplacée par l'uniforme. A Saint-Hélier, je trouve mon père chez M. Grillet (1). Réception fort aimable de ce futur (1) Comme dans le cours du récit noua n'aurons pas l'occasion de parler de nouveau du commandant Grillet, nous ne pouvons résister au plaisir de reproduire dès maintenant ses trois citations

Le lieutenant-colonel commandant le 74a rég. territ. d'infanterie, cite à l'Ordre du régiment octobre

Grillet Louis-Etienne, capitaine

A fait preuve de beaucoup d'énergie et d'initiative devant Lanaemarck. '.»-

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